Un petit coup de main?

Je raconte souvent cette anecdote-blague:

Un homme se promène dans la rue. Soudain, il aperçoit une vieille dame et un jeune homme qui se battent. Des éclats de voix arrivent jusqu’à lui.
“Mais lâchez-moi jeune homme!” ” Donnez moi ce porte monnaie, vieille bique!”
Il n’en faut pas plus pour qu’il comprenne le drame qui se joue et intervienne. Il cours et se jette de toutes ses forces sur le gars qui secoue la vieille. Le gars tombe à terre, complètement sonné. Notre héros du jour ramasse la petite bourse, tombée lors du choc et la rend à la dame.
La petite vieille se confond en remerciement et repart pour son important rendez-vous pour le dépistage du cancer du sein.
Il appelle la police qui vient cueillir le garçon.
Et après avoir entendu celui-ci dès qu’il a repris ses esprits, les policiers arrêtent notre “héros”, l’accusant de complicité avec la célèbre Vieille Détrousseuses des arrêts de bus.

Si je raconte cette blague c’est qu’elle contient certaines des règles de l’aide…

Des règles que l’on attache de suivre lorsqu’on est une organisation comme …Et Faits Planète, ou une organisation d’aide en général…

Ce qui fait qu’une intervention auprès de quelqu’un sera une aide plutôt qu’un sauvetage… Le sauvetage étant à éviter car il entraine des situations dite de “triangle dramatique” (Triangle Victime-Persécuteur-Sauveur) où, au final, si on sauve l’autre, on est amené à se retrouver victime ou persécuteur au tour suivant…

Voici donc les règles de l’aide telles que décrites par l’Analyse Transactionnelle:

-La demande d’aide doit être clairement verbalisée.

« Pouvez-vous m’aidez ? » « Puis-je vous aider ? » Ne sont pas des phrases anodines.Elles permettent de vérifier que l’aide est la bienvenue.

-L’aidant doit être compétent et dans son rôle.

Si c’est pour compliquer l’affaire en venant mettre son grain de sel dans quelque chose qu’on ne comprend pas ou en prenant la place de quelqu’un d’autres, ce n’est pas la peine…

-L’aidant-e ne doit jamais faire plus de 50 % du chemin.

Aider, ce n’est pas « se charger de l’autre ». Mieux vaut lui apprendre à pêcher que lui donner du poisson, sauf si c’est sa demande express.

-L’aidant doit avoir envie d’aider.

Peut-on vraiment dire, par exemple, d’un ado qui vient essuyer la vaisselle en trainant des pieds et en renâclant tout le long du boulot qu’il vous a aidé de manière satisfaisante…? S’il n’y a pas l’envie, ce n’est plus de l’aide, c’est une corvée. Et, à un niveau plus profond, la raison de l’envie peut, aussi, être à clarifier… Avoir envie d’aider parce qu’on espère un échange, dont l’autre ne soupçonne peut-être même pas l’existence, c’est s’exposer à des déconvenues. Si échange il doit y avoir, il doit être discuté au préalable et les deux parties doivent pouvoir peser les bénéfices de chacunes.

-L’aide doit avoir pour but de rendre l’autre autonome.

Encore une fois, mieux vaut lui apprendre à pêcher que lui donner du poisson… La conséquence c’est que l’aide doit être cadrée dans le temps et dans son contenu  : « Voilà ce que je peux faire pour toi…jusqu’à… ».

Ce qui m’a fait penser à faire un article là-dessus, c’est une situation à laquelle sont confrontés actuellement les Népalais…

Le 13 septembre dernier, l’Agence des États-Unis pour le développement international (USAID) annonçait avoir conclu un accord entre, d’une part, la multinationale Monsanto et le ministère de l’Agriculture et des coopératives et d’autre part le ministère de l’Agriculture népalais. Ce “projet pilote” entend ainsi introduire un maïs hybride de Monsanto auprès de 20 000 paysans, dans les districts de Chitwan, Nawalparasi et Kavre.

Mais maintenant les paysans sont mécontents et manifestent contre cet accord. Que leur arrive-t-il donc ? N’avaient-ils pas demandé de l’aide ? Si, si. Ils ont demandé de l’aide. De l’aide.

Or la réponse apportée correspond-elle à de l’aide selon les règles énoncées plus haut ? Sachant que si une seule des règles est enfreinte ce n’est plus de l’aide…

-La demande est-elle verbalisée?

Oui.

-L’aidant est-il compétent?

On peut l’imaginer.

-L’aidant est il dans son rôle?

Là ça devient moins évident… Est-ce le rôle d’une firme multinationale que d’apporter son aide à de petits paysans? Son aide, disons nous bien, pas des factures…

-L’aidant a-t-il envie d’aider?

Ah ça, on dirait bien ! Mais les raisons de cette envie sont quand même très obscures… Peut-on supposer que les actions d’une entreprise comme Monsanto soient guidées par la nécessité de faire du chiffre d’affaire ? Je ne passerait pas pour un fou en l’affirmant.

-L’aidant a-t-il pour but de rendre l’autre autonome?

On parle bien de Monsanto, là ? La firme qui vend des semences stériles pour que les paysans soient obligés d’en acheter tous les ans ? La firme susceptible en justice les paysans qui essayent de reproduire leurs semences ? Là c’est un “non” sans équivoque.

Donc (à plus d’un titre?) ce n’est pas de l’aide. On est dans une relation à double fond. Sous couvert d’aide, il y a en fait une victime et un persécuteur (celui qui s’était initialement posé en sauveur…). Il ne faut donc pas s’étonner qu’il y ait inversion des positions et que les paysans népalais se rebiffent. Monsanto et l’USAID se retrouvant à la place symbolique des victimes maintenant.

Mais ils auront beau faire les vierges effarouchées, il faut éviter de se laisser avoir : Ils connaissent les tenants et les aboutissants du scénario par coeur car ça fait longtemps qu’ils le font fonctionner. En Inde, en Haîti… Le “bon déroulement de l’affaire” reposant sur une demande d’aide floue et, ensuite, le fait que les demandeurs n’osent plus refuser une fois l’aide accordée…

Sauf que là, c’est un scenario à leur désavantage puisque les Népalais peuvent encore dénoncer la chose avant d’être complètement pris au piège. Et ils font maintenant des demandes précises : “L’aide devrait consister à nous épauler pour développer nos propres semences hybrides au lieu d’en importer.”dit le porte-parole Hari Dahal. Les députés n’ont pas encore tranché…

Plus largement, il est important de comprendre que les institutions financières ont, jusqu’ici, « travaillé » quasi systématiquement comme ça. Sous prétexte qu’un pays demande de l’aide, on lui fournit « l’aide » qui nous arrange… La Banque Mondiale, le FMI, les aides au développement ont toujours des contreparties. Hélas, tous les pays n’ont pas les moyens de se passer de ces aides sulfureuses… A part le Vénézuela, qui a claqué la porte du FMI? Ou de toute autre institution financière d’aide, ces derniers temps… ? Pas les Européens en tout cas. Souvent gouvernés par des libéraux qui trouvent là un commode moyen d’accéler les privatisation (“Qu’est-ce qu’on peut y faire????”)  Et, via les plans de sauvetage, assortis de plans de rigueur-on-ne-se-cache-même-plus, sensés satisfaire nos bailleurs en libéralisant encore plus nos économies, nous allons bientôt en faire la très amère expérience… A moins qu’on se réveille.

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