“Le premier ministre veut créer des camps d’internement pour les soupçonnés d’intentions terroristes.” Voilà en substance ce qui a été ressorti du questionnement formulé par Manuel Valls au Conseil d’État. Mais observons la forme de ce questionnement. Et particulièrement l’ordre dans lequel sont formulées les questions. Car elles sont trois. Les voici reproduite.
D’abord le texte intégral, puis, en dessous, la partie qui nous intéresse présentement…
S’il est encore besoin de traduction en voici une :
Concernant le terrorisme :
1)Peut-on mettre en prison des gens pour des crimes qu’ils n’ont pas (encore ?) commis ?
2)Peut-on mettre en prison des gens sous prétexte qu’ils y ont déjà été, vu qu’on le fait déjà sur d’autres sujets ?*
3)Si on ne peut pas faire ce qu’il y a avant, est-ce qu’on pourrait, au moins, les localiser permanence ou les obliger à rester chez eux ?
[*Au passage on est content de l’apprendre. En imaginant qu’il doit s’agir de prévenir la récidive en matière de fraude fiscale ou de trafic d’influence…]
La porte au nez, ou comment obtenir des bonbons à la caisse du supermarché.
Si on vous demande de classer ces trois demandes de la plus « grosse » à la plus « petite », arrivez-vous, vous aussi, à un tiercé 1-2-3 dans l’ordre ? Voilà qui ressemble fort à une “porte-au-nez”. Le fait qu’une personne qui a donné une première approbation à tendance à rester sur cette position pour la demande suivante commence à être connu. C’est le pied-dans-la porte. Plus surprenant peut-être la porte-au-nez, le nom donné en psychologie sociale au scénario d’obtention d’une approbation suite à un refus face a une énormité.
Ainsi, si vous doutez de l’envie du maire de vous concéder la place pour faire votre fête de la pomme, peut-être gagneriez-vous à lui proposer, d’abord, et le plus sérieusement du monde, d’installer votre pressoir dans la mairie ( « Le hall ou la salle du conseil, peut-être. » Prenez un regard grave et parlez du « soutien aux arboriculteurs locaux » et de « jus de pomme républicain ».) Ou si vous voulez des bonbons à la caisse, faites vous refusez l’ours en peluche taille réelle et qui dit « Je t’aime » au rayon jouets. Une expérience de ce type a fait passer le taux d’acceptation de 16,7 % à 50 % (Cialdini et al, 1975)
Petit braconnage au prix du floutage des différences entre partis…
La difficulté consiste à trouver une première demande que vous seriez effectivement prêts à assumer en cas d’approbation. Dans le cas qui a attiré notre attention, Valls n’en à même pas vraiment besoin puisqu’il ne fait rien d’autre que demander si la possibilité existe. Ce n’est pas une validation de texte. Mais en cet entre-deux-tours électoral, un pied-dans-la-porte lui permet de passer pour une personne aux idées fortes. Contrebalançant la supposée mollesse présidentielle, il braconne ainsi sur les terres du FN qui a fait des scores records, la proposition initiale étant inspirée de Laurent Wauquiez, qui lui même ne la devait probablement pas à ses voix intérieures les plus centristes. (A force de se faire braconner, c’est à se demander comment le FN fait pour encore se poser en opposition. Ah oui : En braconnant par tous les moyens depuis 15 ans sur les terres du Front de Gauche… )
Coup gagnant certain de Valls, car la proposition empruntée pourra être rendue à son auteur initiale, qui ne se privera pas d’en réclamer la paternité pour illustrer sa capacité à faire bouger les lignes. Retour de prêt n’intervenant qu’après le rejet par le Conseil, la proposition pouvant alors être taxée d’irréaliste et antirépublicaine. Tout en ouvrant la porte de la surveillance constante de gens qui n’ont rien fait. Bingo.
« Manuel Valls veut créer le crime d’intention malveillante soupçonnées. »
Voilà un titre un brin plus réaliste mais autrement explosif. Mais la presse traditionnelle, qui ne semble investie du rôle de fragmentation du mode d’extrême droite qu’entre les deux tours des élections, ne va certainement pas aller en une sur ce terrain. Et pendant ce temps là, elle fait tourner en fond sonore une petite musique de « camps d’internement ».
A favoriser le braconnage, on en oublierait presque que ça ne rend pas les pièges plus humains…