[Méta-modèle] Généralisations

“Tout est dit!”

Les formes

Le précédent article sur le méta-modèle se terminait sur une invective, “Tous ces profiteurs!”. Parlons donc un peu des généralisations… Les généralisations sont des mots ou des tournures de phrases qui poussent à appliquer un raisonnement à l’ensemble d’une classe d’actes, de personnes, d’objets, de situations. Si vous acceptez l’expression comme telle, confronté à un nouvel élément de la classe concernée vous agirez en fonction de cette expression et pas de l’expérience que vous pouvez vous faire de cet élément sur l’instant.

La généralisation la plus simple à comprendre est celle où on englobe ou exclut explicitement. On fait alors une quantification universelle.

En utilisant de telles tournures de phrases pour démarrer une recherche, on peut avoir de nombreux exemples (ainsi que ce qui agite l’esprit de nos contemporains (“nos contemporains” est une généralisation…))

Généralisation

Une quantification universelle, qu’elle soit “tout” ou “rien”, gomme les aspérités et les particularités au profit d’une vision en blocs, qui pousse au manichéisme. C’est la “Tolérance Zéro” , le “100% Français”, “Plus jamais ça”, “Aujourd’hui, nous sommes tous américains.” “There is no alternative” disait Margaret Tatcher. “Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine ni pour l’idée de progrès.” Tout, toujours, aucune place… Le discours de Dakar de Nicolas Sarkozy. Dans un registre un peu différent, “La France, tu l’aimes ou tu la quittes.”

Avec ce dernier exemple, on s’approche d’une forme de généralisation appelée “origine perdue” car elle sonne comme une vérité absolue dont on ne sait plus bien d’où on la tient. Et qui, bien sûr, tire large…

La plupart des proverbes en font partie. Mais ceux-ci sont faciles à remarquer. D’autant que bon nombre d’entre eux ont leur proverbe miroir : “Un “tiens” vaut mieux que 2 “Tu l’auras”” se trouve contredit par “Tout vient à point à qui sait attendre”… “Les voyages forment la jeunesse” mais “Pierre qui roule n’amasse pas mousse.”, etc..

En politique, on n’est pas loin des proverbes… “Rien n’est inaccessible, rien n’est impossible dès lors qu’une nation croit en elle-même.” dixit François Hollande. Et que dire de cet autre double bingo par Sarkozy dans le discours de Dakar :  “l’homme africain n’est pas assez entré dans l’Histoire” La suite est à l’avenant… “Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance.” On peut légitimement se demander quelle est l’origine d’une telle phrase. (Henri Guaino, son nègre. Oups…)

“On peut”, “on doit”, “on est obligé“, voilà d’autre généralisations… Les opérateurs modaux sont les verbes donnant des obligations ou des interdictions.

(Visitez le blog de micael : http://micael.blog.lemonde.fr)

« La nationalité française doit pouvoir être retirée […]” (Sarkozy, Grenoble.) “Nous devons tous lutter contre le terrorisme” (Hollande, Tunis) “Il était nécessaire de participer à cette marche.” (Idem)

“On ne peut pas rester indifférent.” “Nous devons réagir” “Je ne peux qu’approuver” “Nous nous sommes trouvés dans l’obligation de répondre.” “Nous ne pouvons rien faire.” Autant de possibilités d’affubler le destin, la politesse et n’importe quoi d’autre du luxe des choix qui semblent, ainsi, hors de notre responsabilité. Quelle que soit la situation, on se retrouve, pseudo-forcée souvent, sur un seul chemin. C’est bien une généralisation.

Le questionnement

Dans le cas d’une quantification universelle, on agira utilement en ciblant le cadrage du nombre.

Si c’est un “tout”, on insistera sur “les parties”. “Les noirs aiment le hip-hop.” Même Aymé Césaire? Et les pygmées? “Le Tiers-Monde veut avoir le même niveau de vie que l’Europe.” Quel pays du tiers monde a exprimé ce point de vue? “Tout le monde sera d’accord pour dire que c’est l’emploi qui compte.” Ah bon? Tout le monde?

Si c’est un “rien”, on pointera l’existant. “Les opposants au projet ne veulent rien entendre” Nous vous entendons et nous vous écoutons actuellement car nous sommes dans une logique de dialogue. (Dont vous semblez, par cette phrase, vouloir nous exclure et de notre responsabilité en plus!)” “Plus personne aujourd’hui ne remet en cause l’intérêt du Progrès.” Moi, si. Et on est quelques uns, vous voulez des noms?

Les généralisations par origines perdues commenceront à s’effriter si on leur oppose un ou plusieurs contre exemple(s). Les vérités absolues ont un peu du mal avec ce qui relativise…

“Les électeurs du FN sont des primates”  Mon grand-père vote FN, je descends du singe? “Rien n’est inaccessible, rien n’est impossible dès lors qu’une nation croit en elle-même.” Même ressusciter Michael Jackson? “La vérité, c’est que ça ne sert à rien de s’occuper de ces populations.” D’où tenez vous une telle vérité ? “Agir ainsi, je vous le dis, ce n’est pas bien” Ce n’est pas bien pour qui? C’est quoi “agir ainsi” pour vous?

Les réponse semblent parfois ridicules mais le ridicule qu’elles mettent en exergue est bien celui de la phrase précédente. C’est un peu le principe de la plupart des recadrages aux violations du méta-modèle.

Enfin, les opérateurs modaux seront désamorcés si vous pointez, au contraire, les possibilités et le fait que ce qui relève d’une force extérieure, selon votre interlocuteur, relève, en fait, de choix.

“Nous devons tous lutter contre le terrorisme” La Suisse est neutre et ne s’en porte pas plus mal… “Nous devons réagir” Que se passerait-il si nous ne le faisions pas? “Nous ne pouvons pas intervenir.”Qu’est-ce qui vous en empêche?

Comme je le disais précédemment, vos recadrages auront pour objectif de libérer la parole et de vous mettre dans une logique de dialogue entre arguments plutôt qu’entre sous-entendus. Ils ne vous donneront pas plus raison mais ils vous donneront la possibilité de ne pas vous battre contre des moulins ou des hommes de paille…

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