“Je vous l’ai déjà dit!” Quoi donc?” ” Et bien, vous savez bien…”
Les formes
Les présuppositions, sont des mots ou des tournures de phrases qui sous entendent l’acceptation préalable d’une ou plusieurs autres idées. Si vous acceptez l’expression comme telle, vous accepterez probablement le présupposé et agirez en conséquence.
Dans sa version complexe la présupposition saute par dessus une autre étape complète du discours.
Pas plus tard que cet après-midi, un membre de l’association s’est trouvé au téléphone (depuis un poste qui n’est pas son téléphone personnel) avec une entreprise privée de prestation sociale. Il s’est entendu dire sur la fin de l’entretien : “Pourriez-vous me confirmer votre numéro de téléphone?” Le numéro est donné, rapidement. Trop rapidement pour l’interlocuteur qui lui dit “Attendez, je n’ai pas la fin.” Notre sympathique membre comprend alors que l’opérateur a utilisé le mot “confirmer” alors qu’il n’avait absolument pas le numéro. On donne plus facilement son numéro à quelqu’un dont on présuppose qu’il l’a déjà. Surtout si cette présupposition est clairement suggérée. Après question de clarification, (“Pourquoi voulez-vous mon numéro?” “Pour que nous puissions vous joindre et vous faire profiter d’offres, etc, etc…”) il ne lui donnera pas.
A l’inverse, on peut vivre des présuppositions de la suite de l’échange. Ainsi “Avez-vous l’heure?” ou “Avez-vous un euro?” n’est plus une question qui vise à savoir si vous êtes en possession d’une montre ou d’un pièce. Si vous répondez “oui”, c’est aussi un acquiescement à la question qui aurait pu être la suivante : Pourriez vous me la (ou le) donner?
Toutes les présuppositions ne font pas des conjectures si complexes. Parfois, présupposer consiste à simplement utiliser un mot qui résume ce qui pourrait être développé. Mais, de par sa brièveté, une présupposition simple peut, paradoxalement, être particulièrement difficile à voir passer.
“L’Europe est au service de quelques uns.” est une phrase qui change tout à fait de sens en fonction de qui la prononce mais qui a l’intérêt de laisser tout un chacun remplacer ce “quelques uns” par son bouc émissaire favori. Pour l’anecdote, cette phrase vient d’un discours de Marine Le Pen. Qui sont présupposés, pour elle, dans ces “quelques uns“? Qui seraient-ils si cette phrase avaient été prononcée par Dieudonné? Par Jean-Luc Mélenchon? Par François Bayrou? (Ne l’ont ils pas déjà prononcé d’ailleurs?) Et par vous..?
Le questionnement
Dans le cas d’une présupposition complexe, on aura avantage à mettre le doigt sur l’étape de la discussion passée sous silence. On peut donner ce coup de projecteur soi-même ou pousser l’autre à se révéler. “Je ne pense pas vous avoir déjà donné mon numéro.”/”Quel numéro de téléphone avez-vous?” ou encore “J’ai effectivement un euro.” / “Rares sont les gens qui n’ont pas un euro sur eux. Que me demandez-vous réellement?”
Pour une présupposition simple, il faut aller à la pêche à la précision et à l’explicitation du mot: “Vous dites qu’il faut faire “quelquechose” contre la Finance, c’est à dire quoi selon vous?”. “Quelques uns, c’est à dire qui, pour vous?” Attention cependant, face une personne douée dans “l’art de la fugue”… Un seul recadrage ne suffira probablement pas car la réponse sera aussi souvent une violation du méta-modèle. Voir un flot, des fois que votre question ne soit qu’un coup de chance… “Et bien, vous le savez! Tous ces profiteurs! Ces gens qui se fichent complètement des honnêtes citoyens.” Le moins qu’on puisse dire c’est que nous n’en avons pas terminé avec ça…