Apolitique, apartisan, indépendance, ni de droite ni de gauche.

Est apolitique une personne ou une organisation qui est extérieure à toute lutte relative au gouvernement ou aux affaires publiques d’un État. Cette définition est simple et peut être retrouvée dans la plupart des dictionnaires. Mais à considérer la plupart des gens qui se réclament de l’apolitisme on se demande s’il-le-s ont bien ouvert leur dictionnaire avant d’utiliser ce mot…

Les exemples:

Prenons le Collectif La Manif pour tous qui, dans la même phrase, et sans cilier, arrive à se définir “apolitique et confessionnel”. Déjà s’appeler “La manif pour tous” et se dire apolitique est très fort. Mais immédiatement derrière faire une association d’idées antinomiques qui signifie que l’on considère que la religion n’est en rien liée à des questions de vie publique… La Manif pour tous vient de dire, si elle répond à la définition qu’elle a d’elle même, qu’elle doit se dissoudre… Ou alors, le porte-parole a dit n’importe quoi dans un certain objectif. Je penche pour cette explication…

Variante, l’Institut Montaigne, pas apolitique mais indépendant. En fait “politique” par omission et indépendant proclamé. Le titre d’ « institut » ne devant pas faire oublier qu’il ne s’agit que d’une association mais que celle-ci se donne, ainsi des airs officiels. Une asso dont voici le début des statuts :

Espace de réflexion, libre et indépendant de toute contrainte politique et économique, l’Institut Montaigne s’articule autour de groupes de travail, réunissant des représentants de la société civile (intellectuels, universitaires, experts, responsables d’entreprises, personnalités qualifiées, etc.).

Traitant des sujets les plus divers, l’Institut élabore et diffuse des propositions concrètes de long terme.

Le mot politique n’est utilisé que pour dire qu’on n’y est pas contraint. Pas politique? Même en produisant régulièrement des rapports, des bilans en direction des media, en mettant à disposition des experts qui donnent leur avis sur tout? Criant son indépendance des pouvoirs publics sur les toits mais ne voyant aucun inconvénient à toucher ses 3 millions de budget annuel de banques, fonds d’investissement, assureurs, laboratoires pharmaceutiques, multinationales de services industriels. Libre de toute contrainte économique ?

Pour terminer avec les exemples, l’association SOS Education. Elle se dit apolitique et apartisane, ce qui veut dire de surcroît qu’elle ne se positionnerait pas en faveur d’un parti. Mais lorsque l’on regarde ses objectifs, elle a pour but d’influer sur la ligne de conduite du Ministère de l’éducation nationale, notamment en poussant à la réduction des effectifs du personnel encadrant… Elle se targue, par ailleurs, d’un grand nombre de soutiens d’élu-e-s. On aura, à ce stade compris que ces élu-e-s sont des élu-e-s UMP. Lorsqu’elle se proclame apolitique et apartisane, cette association dit exactement le contraire de ce qu’elle est.

L’interprétation :

La confusion entre apolitiques et apartisane est très largement répandue. L’apolitisme demande de ne se positionner sur aucun sujet de société ou de la vie publique. Un sacré challenge. Mais bon nombre d’artistes et pas des moins subventionnés y arrivent très bien (Il y a d’ailleurs souvent un lien de cause à effet très positif entre apolitisme et subventions/propositions d’exposition. ) L’apartisanisme, quant à lui, demande de ne se positionner pour aucun parti politique. Se dire apartisan en plus d’apolitique est donc un pléonasme. En revanche, on peut effectivement être politique et apartisan. Nombre d’associations défendent leur point de vue sans pour autant apporter leur soutien à qui que ce soit. (Il y a d’ailleurs souvent un lien de cause à effet négatif entre politisation apartisane  et subvention/allocation de local…)

Quel est l’intérêt de se réclamer de l’apolitisme ou de l’apartisanisme ?

Dans un pays et où on a réussi à rendre l’adjectif « politisé » synonyme multifacette de sulfureux/ has-been / ennuyeux à mourir  et où 40 % des gens ne votent pas, une portion considérable de la population ne s’intéresse donc que de très loin à la vie politique voire la fuit purement et simplement. Ce qui est pratique pour gouverner, car on est tranquille, moins pour obtenir des soutiens populaires quand on a des idées à défendre… Se dire politisé, c’est se couper d’une bonne part de ses soutiens. Et quand, en plus, les idées que l’ont défend auraient pour effet de nuire à la classe de population que l’on cherche à convertir, étiqueter ouvertement ses idées est suicidaire.

Dans ce cas là, on se dit apolitique et apartisan et tant pis si on dit n’importe quoi.

Et quand on a compris qu’en terme de nombre, la classe populaire est généralement celle à courtiser pour faire du chiffre, on comprend que l’expression « apolitique et apartisan » est une des préférées des idéologies de droite, même si elles n’en ont pas l’exclusivité…

Variante de “apolitique” : « Ni de droite, ni de gauche »

Exemple : « Je veux dire un mot à Manuel. Pour moi, pour nous, la sécurité n’est ni de gauche ni de droite. Et je dois vous dire que nous sommes très heureux de son action“, dixit Serge Dassault, au côté de M. Valls, le 11 sept 2012, lors de l’inauguration de la foire de Corbeil-Essonnes. Le sénateur UMP, par ailleurs propriétaire du Figaro a pousuivi “C’est pour ça qu’il a l’appui d’un journal bien connu. Mais, s’il fait des bêtises, on en reparle. Actuellement, c’est très bien. Pour les Roms et tous les autres, c’est formidable. Donc bravo Manuel et continue !” Ce jour là, Manuel Valls a fait mine de s’éponger le front, moins d’un an après, 7 juillet 2013, il reprenait le même élément de langage. Thomas Guénolé, politologue lui donne le qualificatif de “socialiste de droite”, une expression qui mériterait qu’on s’y attarde tant elle fait référence à une réalité dérangeante… Car le gouvernement actuel n’est peut-être “Ni gauche, ni de droite”, si vous voyez ce que je veux dire…

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